LE BREXIT: Issue logique pour un cul de sac – partie 1 : les années 50

En juin prochain, les Anglais devront se prononcer quant à l’Europe : y resteront-ils, ou le piège démagogique que s’est lui même tendu le Premier ministre Cameron se refermera-t-il sur lui ?

Les conséquences d’un brexit, celles concernant l’Union Européenne, celles concernant l’Angleterre (y compris l’éclatement possible du Royaume Uni), celles concernant les résidents anglais en France, celles concernant les résidents français en Angleterre ne seront pas abordées ici, mais éventuellement dans le débat qui pourrait en découler. Je m’en tiendrai donc à un historique simplifié des rapports de l’Angleterre avec l’Union Européenne.

Préalablement à ce rappel de l’histoire des relations entre le Royaume Uni et l’Europe, j’aimerais vous dire que je ne suis pas anglophobe, j’ai beaucoup d’amis anglais, j’ai passé 35 ans de ma carrière avec des confrères d’outre Manche, et j’en garde un excellent souvenir d’autant que nous vécûmes ensemble avec joie la disparition de certaines frontières continentales et l’arrivée d’une monnaie commune pour les pays dans lesquels nous agissions côte à côte. Ils  aimaient, pour décrire l’attitude de leurs concitoyens, utiliser cette formule savoureuse :

Brouillard sur la Manche, le continent est isolé.

Mais quittons le particulier pour en venir au général.

De Gaulle citait volontiers cette phrase que lui adressa Churchill, quelques heures avant le débarquement en Normandie :

Entre l’Europe et le grand large, nous choisirons toujours le grand large.

Ce grand large, se comprend non seulement par l’empire qui deviendra le Commonwealth, mais aussi par les Etats Unis d’Amérique.

En 1946, Churchill, battu aux élections par les travaillistes entame une tournée européenne et prononça à Zurich un discours particulièrement remarqué. Je vous en cite les extraits les plus parlants :

Mais il y a un remède ; s’il était accepté par la grande majorité de la population de plusieurs États, comme par miracle, toute la scène serait transformée, et en quelques années, l’Europe, ou pour le moins, la majeure partie du continent, vivrait aussi libre et heureuse que les Suisses le sont aujourd’hui. En quoi consiste ce remède souverain ? Il consiste à reconstituer la famille européenne,  ou tout au moins la plus grande partie possible de la famille européenne,  puis de dresser un cadre de telle manière qu’elle puisse se développer dans la paix, la sécurité et la liberté. Nous devons ériger quelque chose comme les États-Unis d’Europe. C’est la voie pour que des centaines de millions d’êtres humains aient la possibilité de s’accorder ces petites joies et ces espoirs qui font que la vie vaut la peine d’être vécue. On peut y arriver d’une manière fort simple. Il suffit de la résolution des centaines de millions d’hommes et de femmes de faire le bien au lieu du mal, pour récolter alors la bénédiction au lieu de la malédiction.

Ce qui, dans sa bouche, pourrait paraître étonnant, si ne suivaient ces mots :

Il existe déjà un tel groupement d’États dans l’hémisphère occidental. Nous autres Britanniques, nous avons le Commonwealth. L’organisation du monde ne s’en trouve pas affaiblie, mais au contraire renforcée.

Donc faites l’Europe sans l’Angleterre, nous sommes autosuffisants.

LES ETAPES DE LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE

En 1950, l’initiative politique est française : Robert Schumann est à la politique et Jean Monnet est à la technique.

En 1951 : Création de la CECA, communauté européenne charbon acier. Cette association supra nationale regroupera évidemment la France et l’Allemagne, mais aussi la Belgique, l’Italie, le Luxembourg et les Pays Bas. L’Angleterre refuse évidemment de participer, compte tenu de la supra nationalité, mais aussi n’apprécie pas ce marché qui nuit à ses intérêts miniers.

En 1954, la communauté européenne de défense, suggérée par les USA pour permettre le réarmement de l’Allemagne, échoue. L’Angleterre s’en était exclue. En France, les gaullistes du RPF font capoter le projet au Parlement.

En 1957, se crée la communauté européenne par le traité de Rome avec les mêmes six pays et la Communauté européenne à l’énergie atomique. Elle envisage la suppression des droits de douane, et décide d’une politique commune en matière économique et agricole.

Pour cela, de nouvelles institutions sont mises en place dès le début de l’année 1958, à savoir une Commission européenne, un Conseil des ministres, une Assemblée parlementaire (qui prendra ensuite l’intitulé “Parlement européen”) ainsi qu’une Cour de justice des Communautés européennes.

L’Angleterre est associée aux discussions qui aboutiront à la CEE, en tant qu’observateur.

Le négociateur anglais, dont je n’ai pas retrouvé le nom, s’adressera aux membres de l’Assemblée tel que je vais vous le citer :

Monsieur le Président, Messieurs, je vous remercie de votre hospitalité et vous indique qu’elle va cesser à partir d’aujourd’hui. En effet, je regagne Londres, fonctionnaire sérieux, il me gêne de perdre mon temps et de ne pas justifier le modeste salaire que me paie mon gouvernement. J’ai suivi avec sympathie et intérêt vos travaux mais je dois vous dire que le traité dont vous parlez, la CEE, et que vous êtes chargé d’élaborer :

a: n’a aucune chance d’être conclu

b: s’il est conclu n’a aucune chance d’être ratifié

c: s’il est ratifié n’a aucune chance d’être appliqué

NB : s’il l’était, il serait totalement inacceptable pour la Grande Bretagne : on y parle d’agriculture ce que nous n’aimons pas, de droits de douane ce que nous récusons et d’institutions ce qui nous fait horreur.

Monsieur le Président, Messieurs, au revoir et bonne chance.

La porte restera toujours ouverte à l’Angleterre voire à d’autres pays européens comme le souhaite Christian Pineau, ministre français des Affaires Étrangères, dans son discours lors de la signature du traité à Rome le 25 mars 1957.

Dans la foulée, les Anglais se lancent dans la constitution d’une zone de libre échange, incluant le Commonwealth et les USA et d’autres pays européens en dehors des 6 du marché commun.

Après l’échec de ce projet, les Anglais, pragmatiques, reprennent leur doctrine préférée dans l’histoire:

“si nous ne pouvons pas les battre, rejoignons-les”

à suivre, dimanche prochain.

Une réflexion sur “LE BREXIT: Issue logique pour un cul de sac – partie 1 : les années 50

  1. Vivement dimanche prochain pour connaître la suite de cette aventure. Oh là là, mais comment cela va-t-il se terminer ? Bah… nous verrons bien à l’issue du referendum. Les anglais sont-ils seulement entrés dans l’Europe, anyway ?

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