Ma Loute : la critique du film

Le réalisateur Bruno Dumont signe un nouveau long métrage “Ma Loute“, filmé sur les rives de la Côté d’Opale, dans le Pas-de-Calais. Film atypique et loufoque, faisant intervenir des acteurs professionnels et talentueux comme Fabrice Lucchini, Juliette Binoche et Valeria Bruni-Tedeschi, mais aussi des acteurs amateurs, ce qui donne aux films de Bruno Dumont ce cachet si particulier.

Photo extraite de "Ma Loute"

Photo extraite du film “Ma Loute”


Le synopsis : une riche famille bourgeoise de Lille se rend dans sa maison de vacances sur le bord de mer, dans la magnifique baie de Slack, aux longs bras de mers et aux belles plages de sable fin. Parmi eux, Billie, fille ou garçon manqué, tombe amoureuse d’un fils de pêcheurs au physique improbable. Pendant ce temps là, le bibendumesque inspecteur Machin et son adjoint mènent une enquête pour élucider de multiples disparitions de touristes tourquennois ayant eu lieu dans la baie.

Bruno Dumont signe un film certes d’une très grande originalité et nous faisant baigner dans un univers très particulier, mais est-ce suffisant pour en faire un film réussi ?

Film assez long, un peu trop long peut-être (2h02). Dès les premières images, on peut trouver deux caractéristiques essentielles au film :
– Une photographie et un cadrage exceptionnels qui font de cette réalisation, qui s’oriente dès le départ vers la comédie loufoque, un bel objet cinématographique agréable à regarder. Les paysages sont splendides et magnifiquement filmés, le cadrage est excellent : rien ne dépasse, rien ne choque à l’image.
– Les acteurs ont un jeu très théâtral, très caricatural, et aussi très physique. Malheureusement on est très vite embarrassé et gêné par ce jeu excessif, qui laisse beaucoup plus de place au jeu de l’acteur qu’à la mise en scène pour mettre en avant le style comique et burlesque de l’auteur. Lucchini en particulier en fait des tonnes, pourtant dans un registre qui n’est pas habituellement le sien, si bien que l’on ne peut totalement accabler son jeu ampoulé, car on sent bien la pâte du metteur en scène et non la caractéristique du jeu excessif d’un Lucchini, qui, s’il est bien dirigé, peut être excellent.

En l’occurrence les acteurs sont tous très bons, et même les acteurs non professionnels, souvent utilisés, et parfois récompensés, par Bruno Dumont dans ses films. Lucchini, et surtout Valeria Bruni-Tedeschi, sont parfaits et font tout le travail. Juliette Binoche en fait aussi des caisses, mais son jeu est de qualité. On a cependant vite l’impression que tout le talent du film repose sur le jeu des acteurs, qui est vite abandonné par une mise en scène défaillante, ne sachant mettre en images ce jeu excessif pourtant voulu par le réalisateur. Toute la folie et le burlesque du film sont donc représentés par les acteurs et le réalisateur n’arrive pas à filmer leur folie autrement que dans leurs déambulations grotesques. Les dialogues ne sont cependant pas mauvais, mais la réalisation est assez vaine et le burlesque du film s’essouffle assez vite en raison d’un scénario faible et d’un manque d’inventivité visuelle.

Au milieu de cela vient s’intercaler l’amourette entre Billie et “Ma Loute”, le fils de pêcheurs, qui donne un côté plus étrange au film, car les personnages sont assez étonnants et leur rencontre également. C’est sans doute la partie la plus réussie du film.

Outre les différentes intrigues qui sont censées mener la barque, la rencontre de la famille des riches bourgeois décadents et des pêcheurs qui sont dépeints, je dirais de manière indigente pour ne pas trop dévoiler l’intrigue principale, illustre d’une manière un peu maladroite le sujet de lutte des classes et de la confrontation de milieux ô combien opposés, car montrés de manière assez caricaturale. Mais ceux-là font partie des thèmes du film, lequel manque sans doute de linéarité.

Le film n’est pas sauvé par sa fin ou l’auteur cherche un dénouement heureux mais en queue de poisson avec des ressorts grotesques un peu longuets, ce qui confirme assez bien le peu de génie de la réalisation qui n’est pas à la hauteur du sujet et qui fait que le film de Dumont fait “plouf”, dans la baie de Slack.

Le spectacle n’est cependant pas désagréable mais on s’ennuie quand même un peu devant ce début de folie collective assez peu illustrée par le réalisateur et qui ne permet pas d’en faire un film mémorable. Mais il y a quand même quelque chose qui fait que l’on peut avoir envie de voir le film, même si je ne le conseille pas particulièrement.

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