UNE AUSSI LONGUE ABSENCE
(chronologie documentaire)
Ce mardi 11 novembre 1958, notre grand mère, Marie Ligier, que nous appelions couramment “Maman Marie” quitte le cimetière de Chagey où repose son mari depuis le 11 septembre 1950, Henri Fleury, que nous appelions ‘Paply”.
Elle traverse la route pour se rendre au monument aux morts du village. Il se dresse là depuis 1897. C’est un ossuaire de soldats français et prussiens de la guerre de 1870. Il a la forme d’un obélisque devant lequel une diaichotte (jeune montbéliardaise) brandit une palme.
Il n’a pas été détruit par les Nazis pendant la seconde guerre mondiale puisqu’il contient des restes de soldats prussiens.
On y lit gravé le nom des morts pour la France de la guerre de 14-18.
Mais ce jour là, Maman Marie y découvre avec stupeur, sur la plaque additive concernant la 2e guerre mondiale, le nom de son fils : André Fleury 1949. Saisie d’effroi, elle s’évanouit.
Voilà 9 ans que toute la famille vivait dans une crainte mélangée d’espoir. Malgré plusieurs demandes écrites, aucune réponse de l’armée, ni d’ailleurs de Bigeard, auquel Maman Marie avait envoyé une lettre personnelle. Était-il mort ou fait prisonnier, dans les terribles conditions que l’on sait désormais ? Dans chaque famille une photo du grand frère André était visible, exposée sur un buffet, une commode, une table de nuit : l’amour et l’angoisse.
André Fleury avril 1945
La longue chronologie de documents administratifs de l’armée avait commencé en janvier 1950 : les parents Jobert recevaient, à leur adresse d’alors à Paris XVe, une cantine contenant les effets personnels du sergent Fleury, accompagnée d’un feuillet de succession militaire, en inventoriant le contenu :
Sur ce document, il est fait mention d’une disparition à Loung-Phai le 3 septembre 1949. Le mot alternatif “décédé” est rayé. L’espoir demeure : il est sans doute prisonnier.
Deux ans plus tard, le 28 janvier 1952, un avis de capture est adressé à la mairie de Chagey. Il est signalé prisonnier postérieurement au 3 septembre 1949, à Lung-Phai, sur la Route Coloniale 4, au km 78 de Cao Bang.
L’espoir demeure qu’il soit prisonnier, même si les informations concernant les “conditions de détention” qui parviennent par voie de radio ou de presse sont alarmantes. D’ailleurs, la situation militaire dans cette région est désespérée.
En juillet 1954, les troupes françaises se retirent du nord Vietnam à la suite de la défaite de Dien Bien Phu au mois de mai précédent. Chacun espère alors le retour des prisonniers. Vainement …
Plusieurs demandes d’informations pendant toutes ces années resteront sans réponse. 5 ans d’attente supplémentaire, 5 ans sans nouvelles.
A la suite d’une ultime demande d’information, le ministère des Anciens combattants et victimes de guerre adresse le 22 juillet 1957 à Maman Marie un nouvel acte de disparition.
Il lui est enjoint d’adresser ce document au Procureur de la République du tribunal civil afin que soit établie la déclaration judiciaire de décès.
La sécheresse de la formule administrative ne laisse place à aucune commisération : “salutations respectueuses”.
Ce document, adressé au tribunal d’instance de Lure, aboutira à ce jugement : André Fleury est déclaré mort pour la France le 11 mars 1958.
Jugement : “déclare certain et constant le décès d’André Fleury”
“Ce jugement sera transcrit sur les registres d’état civil de la commune de Chagey”
La mairie de Chagey avait donc reçu la signification du jugement du 26 mars 1958, déclarant l’oncle André mort pour la France. Elle a pris l’initiative de faire graver la plaque commémorative. Mais pourquoi n’a t-elle pas informé la famille, comme c’était son obligation ? Même Le Ludo, l’oncle Louis, frère d’André, qui était membre du conseil municipal n’a pas, lui, été informé ?
Ainsi se terminait brutalement une longue attente de neuf années, et la famille pouvait alors faire son deuil. Le fantôme qui hantait trois générations s’évanouissait.
En 2017, la grande muette devient plus accueillante :
Le 9 janvier 2017, Laurent parvient au bout du labyrinthe administratif et obtient par les archives départementales du Doubs, qui regroupent les dossiers des soldats du département nés avant 1921, une copie de son livret militaire :
le 9 février 2017, Yves obtient du service de renseignements de la Légion Étrangère sur “les anciens”, 25 feuillets d’une lecture malaisée, compte-tenu du style si particulier de la phraséologie militaire et de la qualité technique des documents.
Toutefois, ces documents administratifs vont nous permettre de reconstituer très précisément la carrière et la vie de notre oncle, et de la faire rentrer dans l’Histoire de notre pays, durant ces années qui incluent la guerre mondiale puis celle d’Indochine.
A suivre :
horizons lointains et frontières proches
Que dire si ce n’est merci et bravo aux frangins pour leur combativité et leurs talents réunis . Comme tous j’attends la suite.
Bonne semaine
Salut à tous.
Merci pour cet article très instructif et comme tous, j’attends la suite avec impatience. J’ai procédé à quelques modifications sur la mise à jour et notamment les documents trop petits à l’écran sont désormais cliquables afin de les visualiser en plus grand. Une fois l’image affichée, si vous souhaitez pouvoir conserver les documents et les visualiser hors du site, il suffit de faire un clic-droit sur l’image puis de sélectionner l’option “Enregistrer l’image…” pour les sauvegarder vers les dossiers de votre choix.
Alan.
Difficile de réagir face à une narration factuelle et semble t il complète.
J’attends la suite.
Bonjour a tous, on voit les pros de la recherche, mais comment font ils pour avoir les renseignement après 18h ou le week-end !!!
mais oui j’y pense ce sont des anticipateurs ils préparent les émails le jour avant,ou des jeunes retraités ..
bon j’ai les boules car c’est comme regarder Rambo est etres obliger d’attendre que le deux sortes ou connaitre la suite de l’intrigue
Super et bisous à tous les Jobert .. petit et arrière petit ou petites