L’exposition universelle de Bruxelles 1958

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Le 14 avril 1958, voici donc soixante ans, était inaugurée l’exposition de Bruxelles. Elle avait été construite sur le site du Heysel dans la banlieue de la capitale belge. 43 pays étaient représentés et elle accueilli 42 millions de visiteurs. Elle avait nécessité un profond remaniement urbanistique dans la ville elle même pour la rendre accessible à l’automobile, mais aussi de développer le chemin de fer urbain. La transformation de la ville était aussi importante que celle que Paris avait connu pour l’exposition universelle de 1889 avec l’érection de la tour Eiffel.

Quand à l’exposition elle même, les pavillons rivalisaient d’élégance, sur les bases de la charte d’Athènes : art moderne, rationalité, sobriété. Adaptation de la ville moderne à l’homme, luminosité.

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Les pavillons les plus visités furent ceux des U.S.A.   et de l’U.R.S.S. La France y présentait 2 pavillons, celui de la France et celui de la ville de Paris. Y étaient exposés le meilleur de la technologie de chaque pays et la France, par exemple, exposait la D.S. 19, l’U.R.S.S. le Spoutnik. Au pavillon américain on visionnait un film à 360 degrés, un circorama à 9 écrans.

L’ Atomium symbolisait à la fois l’audace architecturale et l’avancée de la science.

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Le père Jobert, alors sergent Chef, faisait partie de la délégation des pompiers de Paris, chargée de la sécurité incendie du pavillon français. Son séjour dura plusieurs semaines, entrecoupées de permissions lui permettant de retrouver sa belle et déjà grande famille. Nous étions contents de le savoir en voyage, lui qui n’avait connu que les déplacements entre Moffans et Paris. Ce séjour serait sans aucun doute riche d’enseignements et d’ ouverture d’esprit. Par ailleurs, la vie de famille à Champerret se trouvait alors en  état d’apesanteur.

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C’est son retour à Paris qui posa alors un problème. Non pas qu’il retrouve sa place de chef de famille au bout de la  table de la salle à manger, mais c’est qu’il devait être accompagné d’un allemand invité à déjeuner à la maison.

Les allemands, on ne les aimait pas. On les craignait. Ils étaient méchants et cruels. C’est ainsi qu’on nous les racontait dans nos familles, au pays et à Paris. Leurs exactions pendant l’occupation étaient le seul enseignement que nous ayons reçu à leur propos à cette époque, la sensation de répugnance que nous éprouvions était la même que je découvris plus tard chez Maupassant à l’égard des prussiens de 1870. A l’école, curieusement, on ne nous parlait pas des allemands. Pourtant les manuels scolaires tels le Malet -Isaac se terminaient par des chapitres sur la seconde guerre mondiale qu’on aurait dû étudier en fin d’année. Mais on nous faisait trainer le programme qui s’arrêtait toujours avant ce conflit, faute de temps. C’est  beaucoup plus tard que je compris les raisons de cette omission. Nos instituteurs étaient très proches du parti communiste ou de la S.F.I.O. Alors en France, la 2e guerre mondiale étaient pour eux de la propagande gaulliste tant le rôle du général y était prédominant.

Le copain boche du père Jobert était venu en uniforme. On ne pouvait pas s’y tromper tant la coupe était en tous points semblable à celle de la Wehrmacht. Mais il était de tissu bleu sombre, alors que celui de la Wehrmacht  était vert de gris, et celui de la SS était noir.Uniform_1

Alors, nous étions inquiets et vigilants, répartis que nous étions autour de la table, regardant le fonds de nos assiettes.

Ce “Papa Schultz” parlait un français compréhensible bien que rugueux. La première version d’Erasmus, pour les allemands, c’était l’occupation du pays ennemi. Le père, lui,  n’était pas trop fort en germain. Il en possédait quelques mots qu’il avait appris, pendant l’occupation, à coup de bottes dans le derrière. Il savait utiliser à sa manière ce vocabulaire répressif, mais en hurlant. Ainsi, pour nous virer d’une pièce, il désignait d’un doigt ferme la porte en rugissant : “Raouste !” adaptation phonétique de”heraus” ! Souvent, c’était suivi de l’impératif de rapidité qui découlait de son ordre : “Raouste Schnell !”. Quand il nous menaçait de nous frapper, pour que cette menace soit plus convaincante, il remplaçait le mot cogner par son adaptation germanique de “Schlagen”, frapper. Ce qui donnait donc l’expression,” je vais te chlaguer”. Bon d’accord ce n’était pas du Schiller, mais peut être est-ce la raison pour la laquelle nous apprîmes, Roland et moi, l’allemand en première langue.

Donc, son vocabulaire allemand étant trop limité, il répondait en français à son ami d’outre Rhin. Ce repas me paru très long. Mais c’est ainsi que muets et médusés, les enfants Jobert, 5 au catalogue de l’époque, assistèrent à la fraternisation franco-allemande, bien avant le repas de l’Elysée entre De Gaulle et Adenauer de 1963.

Ce déjeuner se termina en apothéose : assis tous les deux au bout de la table, s’étreignant par le cou, les deux pacifistes, les yeux rouges d’émotion et du vin de la même couleur, prononcèrent cette phrase définitive  :

“Ach ! La guerre, gross malheur !”.

L’union européenne était en marche …

 

3 réflexions sur “L’exposition universelle de Bruxelles 1958

  1. Lu depuis la Sardaigne sous la pluie, et plus précisément sur l’ile de Maddalena. Si la pluie s’arrête, nous aurons l’occasion de visiter l’ile. Mais nous désespérons car il pleut en continu depuis 24h.
    Ce récit Jobert, que je connaissais déjà pour partie, me ramene momentanément un peu en France et dans la famille, pendant que je n’ai rien de particulier à faire ni rien à visiter.

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