Tri Yann : 50 ans de carrière et une dernière tournée pour tout le monde !

En 2019, le groupe nantais Tri Yann fêtait ses 50 ans de carrière et clôturait sa vie de scène par une dernière tournée « Le Kenavo Tour ». En 2020, et pour cause de Corona virus, sa tournée d’adieu n’est toujours pas terminée, et certains concerts ont été décalés en raison des conditions sanitaires. Ayant réservé des places en mars pour un concert à l’Olympia, je dus attendre fin septembre pour assister au concert délocalisé au Palais des Sports, à Paris. Le groupe devait terminer sa tournée par la ville de Nantes, qui le vit naître. Une occasion pour moi de revenir sur l’historique de ce groupe de musique que j’ai écouté sans presque discontinuer depuis mon adolescence.

Festival de Cornouailles, Quimper, 2012.

1969, dans la foulée du renouveau celtique des années 70, lancé en 66 par Alan Stivell, Jean-Louis Jossic, Jean-Paul Corbineau et Jean Chocun, fondent à Nantes le groupe de musique « Tri Yann an Naoned », dont le nom signifie en breton « Les Trois Jean de Nantes ». Nantes, ville dans laquelle le breton n’est d’ailleurs pas parlé. Commençant leur carrière en reprenant des titres du folklore breton et en particulier gallo, ils évoluent assez vite vers un style plus progressif, et on les qualifie bientôt de groupe « celte-folklo-médiéval et de rock breton », où la composition prend le pas sur la reprise des titres du répertoire traditionnel, mêlant le français, le breton et l’anglais. Changeant assez vite son nom pour « Tri Yann », ils se produisent d’abord en Bretagne puis dans toute la France.

Le groupe est d’abord la rencontre de trois personnalités :

Jean-Louis Jossic : au départ prof d’histoire-géo au collège, il devient le leader et la caution historico-culturelle du groupe, le « conteur », sachant agrémenter les concerts d’histoires à dormir debout, étoffant le récital ordinaire d’un cadre historique et d’un fil narratif, rendant les concerts passionnants, au delà du simple enchaînement de titres des albums du groupe. Apportant une certaine excentricité au groupe, il est aussi auteur d’une très grande partie des textes en français, de la scénographie et des costumes. Il est pendant longtemps adjoint à la culture à la mairie de Nantes. Il joue de plusieurs instruments traditionnels, dont la fameuse bombarde, propre à la musique bretonne.
Jean-Paul Corbineau : apporte sa voix très douce et mélodieuse aux nombreuses balades et histoires mises en chanson par le groupe. Sans lui, la poésie des chansons de Tri Yann ne serait pas ce qu’elle est. Il joue également de la guitare acoustique sur scène.
Jean Chocun : le troisième des trois larrons. C’est le comptable du groupe, plus discret que les autres sur scène. Il joue néanmoins de nombreux instruments traditionnels comme la mandoline, le dulcimer, le banjo et la guitare acoustique.

Jean Chocun, Jean-Paul Corbineau, Jean-Louis Jossic

Les trois membres fondateurs apportent leurs voix respectives au chant, souvent dans un style de chœur très caractéristique de la musique bretonne et de Tri Yann en particulier, avec la reprise collective des dernières syllabes des vers des textes des chansons.
A ces trois musiciens se sont associés de nombreux autres instrumentistes au fil du temps : d’abord Gérard Goron (le batteur), qui est toujours là aujourd’hui et qui fait partie du groupe de manière historique. Mais plusieurs autres musiciens ont rejoint et quitté le groupe tout au long de son histoire. D’abord Tri Yann est un groupe plutôt acoustique, mais il devient de plus en plus électrique et même parfois électronique, selon les albums. Aujourd’hui, le groupe compte 8 membres.
Le groupe est responsable de 16 albums studio, 7 albums live et 16 compilations, ce qui est tout de même assez considérable. Il existe aussi de nombreux concerts ou participations filmés du groupe. Tri Yann remporte, lors de sa carrière, de nombreuses distinctions, dont 3 disques d’or, et ses 3 membres fondateurs sont nommés Chevaliers des Arts et Lettres en 2000.

Dix Ans Dix Filles (couverture de l'album)
Dix Ans Dix Filles (couverture de l’album)

Que représente Tri Yann ?

Tri Yann, c’est d’abord le groupe qui m’a fait découvrir la musique bretonne et la musique traditionnelle en général. Ce n’est qu’ensuite que j’ai découvert Stivell, Malicorne, Gilles Servat, Dan Ar Braz, et d’autres. Je les vois très tôt en concert lors de leur venue à Paris, puis bien plus tard au Festival de Cornouailles à Quimper. Ils se distinguent rapidement, pour moi, des autres artistes bretons, d’abord par leur style, très particulier et reconnaissable, mêlant la musique d’inspiration folklorique, plutôt festive, à la balade mélancolique ou dramatique, racontant une histoire du passé, le tout mélangeant des instruments traditionnels et modernes. Les artistes de musique ont quand même plutôt tendance à narrer des histoires de leur temps. Tri Yann, eux, relatent des faits ou mythes d’un autre temps, d’une époque révolue, avec une forme musicale tantôt traditionnelle, tantôt plus moderne. Néanmoins, le groupe aborde parfois des thématiques plus actuelles avec son propre style, comme par exemple dans la chanson « Aloïda », relatant un fait d’hiver dans lequel une jeune fille maghrébine est assassinée par ses frères en raison de ses mœurs, ou dans « La Geste de Sarajevo » qui parle des massacres de la guerre des Balkans dans les années 90, avec la forme d’une balade du temps jadis.

Logo officiel du groupe.

Tri Yann, c’est ensuite une formidable ambiance de « live », leurs concerts étant l’occasion pour leurs fans, généralement de tous âges, de se retrouver pour des moments festifs où la bière et le chouchen coulent à flots, au moins virtuellement, et où toutes les mains se lient pour une danse sans fin et endiablée. Pendant deux heures, vous échappez au monde contemporain pour vous plonger dans une France d’avant, une musique d’antan, et bien sûr au coeur d’une Bretagne traditionnelle.

Tri Yann en chansons

Je crois que ceux qui ne connaissent que peu, voire pas, Tri Yann, connaissent au moins tous « Le Loup, Le Renard et la Belette » (La Jument de Michao), qui a fait le succès du groupe en radio et sur scène. Je dois admettre qu’en tant que vrai fan de Tri Yann, il m’arrive de regretter que le groupe joue cette chanson sur scène, tellement c’est devenu un rituel un peu trop récurrent. Et surtout, ils ont tellement d’autres chansons qui méritent d’être plus connues. Mais probablement que les gens ne comprendraient pas que le groupe ne joue pas ce titre lors de leurs concerts.

Voici quelques titres qui ont fait le succès du groupe et que l’on doit écouter pour se faire une idée de leur œuvre:
Les prisons de Nantes : c’est le titre phare de leur premier album, « Tri Yann an Naoned », sorti en 1972, même si sur la forme, je préfère la version, plus récente, de leurs derniers lives. Il s’agit d’une chanson populaire originaire de Basse Loire et interprétée par des artistes français contemporains depuis 1928. C’est la version de Tri Yann qui le plus popularisé ce titre.

Dans les Prisons de Nantes, En Concert, 1996.


Si Mort a Mors, une ode à la duchesse Anne de Bretagne, adaptée d’une musique irlandaise « An Caìlin Rua », et sur un texte anonyme composé à la mort de la Duchesse.

Si Mort a Mors, An Heol A Zo Glaz, 1981.


Pelot D’Hennebont, la lettre d’un soldat à sa mère, relatant ses hauts faits de guerre, basée sur la lettre de Pelot de Betton, recueillie au début du XXème siècle.

Pelot d’Hennebont, Suite Gallaise, 1974.


La Jument de Michao, sans conteste le plus grand succès de Tri Yann. C’est une chanson que l’on retrouve avec plusieurs variantes dans tout le répertoire de la chanson populaire traditionnelle, mais c’est Tri Yann qui l’a vraiment rendue célèbre.

La Jument de Michao, La découverte ou l’ignorance, 1976.
La découverte ou l'ignorance (couverture de l'album)
La découverte ou l’ignorance (album)


Les albums de Tri Yann ne sont pas seulement des compilations de chansons, mais plusieurs d’entre deux sont de vrais albums concepts, comme « Le Vaisseau de Pierre » adapté de la bande-dessinée d’Enki Bilal du même nom, « Belle et Rebelle », consacré à Nantes et aux nantais, et « Portraits », une série de portraits de personnalités, et aussi plus particulièrement dédié à Guillaume Seznec. Par ailleurs, leur réalisation est très soignée, rien n’est laissé au hasard : un vrai travail d’Orfèvre, un plaisir pour les oreilles.

Pour finir, il faut reconnaître Tri Yann comme le plus célèbre groupe de musique traditionnelle française et bretonne, mais aussi comme un groupe ayant composé de nombreuses chansons originales en français, dont certaines relatent des évènements historiques ou des faits réels. Malgré un travail très sérieux, Tri Yann ne manque pas d’humour dans l’interprétation de ses chansons et dans ses spectacles.

Tri Yann, c’est aussi le plus vieux groupe français encore en activité, ayant battu le record des Frères Jacques (37 ans). On aurait aimé qu’ils continuent encore longtemps, tellement ils ont réussi à se renouveler tout au long de ces 50 années, et notamment à renouveler la composition du groupe, jusqu’à aujourd’hui.

La tournée d’adieu s’achèvera comme il se doit par 3 concerts à Nantes, dont le dernier aura lieu le 19 décembre.

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